19/03/2015
La peur, la police, l'habitude.
Avoir peur de la police, c’est stupide quand on a rien à se reprocher n’est-ce pas ? C’est une antienne assez répandue. Et ces jours-ci, à l’occasion du procès #ZyedEtBouna je vois cette phrase refleurir ici ou là. Pourquoi fuir à l’approche des policiers ? Pourquoi courir et risquer a vie si on n’a rien à se reprocher ? Je ne m’attarderai pas sur le procès en particulier, je vous laisse les articles très intéressants de Pascale Robert-Diar.
Il y a également un storify sur le sujet, de @anatolium
J’ai simplement envie de partager ce que ce procès soulève en moi, d’expérience et de peur.
Pourquoi avoir peur de la police quand on a rien à se reprocher ? Parce que c’est comme ça que certains ont grandi : en voyant la police humilier sans arrêt les habitants de certains quartiers, en les traitant comme des sous-citoyens.
Quand j’y réfléchis posément, je me dis que je n’ai rien à craindre d’un policier si j’en croise un, puis je me rappelle mon enfance, mon adolescence et je sais que jamais je ne m’adresserai à un policier en cas de problème. Parce que la seule expérience que j’en ai est le mépris et la honte.
La honte de voir mon père, dans les années 80, se faire contrôler TOUS LES MATINS au volant de sa voiture, au même feu rouge, par un policier qui lui demandait TOUS LES MATINS la même pièce d’identité et la même carte grise du même véhicule qu’il avait contrôlé la veille et l’avant-veille encore. Comme ça, par jeu. Et jamais mon père ne protestait. Je me rappelle d’une fois où il avait tenté une plaisanterie sur la récurrence du contrôle, je vous laisse imaginer la réaction du fonctionnaire de police. Un silence de plomb, et un contrôle minutieux du véhicule, pendant que mon père, mes sœurs et moi, nous attendions debout sur le trottoir (allez expliquer ensuite à l’école le motif du retard.)
Ceci n’est qu’un exemple et absolument pas grave en soi, parce que les conséquences étaient limitées. Mais cela, et bien d’autres vexations, opère sur l’esprit de certains habitants de certains quartiers, une alchimie négative. L’idée que de toute façon, quand tu es arabe ou noir, le flic cherchera toujours la merde, alors autant les esquiver. Nous sommes en 205 et tout cela s’est aggravé, pour certains habitants de certains quartiers. La confiance est rompue, si tant est qu’elle ai existé.
J’ai quarante ans, une situation sociale confortable, des armes culturelles et éducatives suffisantes pour me défendre, et j’ai toujours le même coup au cœur quand je croise un uniforme. Une petite tension s’installe, le temps de me demander « mais pourquoi as-tu peur ? »
13:14 Écrit par Océane | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zyed et bouna, police, justie, peur, procès, banlieues | | Facebook | | |
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